De son exil mexicain, où il cotoyait d’autres éxilés dont Ernesto Guevara, Fidel Castro, et l’uruguayen Raul Sendic (fondateur du mouvement Tupamaros), le poète péruvien Juan Gonzalo ROSE, écrivait ce poème une nuit de réveillon des années 50
NOUVEL AN
Nouvel an dans le sang des assassinés.
Nouvel an dans les salles de tortures et dans l’œil du prisonnier où un temps sans soleil fait son nid.
Nouvel an dans la table du tyran et dans le portemanteau vide de l’exilé. Nouvel an chez la mère et son fils séparés seulement pour quelques verrous.
Ils n’ont pas de nouvel an des peuples comme le mien.
Le paysage est peut-être nouveau, mais c’est toujours la même absence.
Le mouchoir peut-être nouveau, mais c’est toujours la même larme.
Le linceul renouvelé, mais c’est toujours la même mort.
Bonne année, douleur ; rage du peuple, haine du juste, colère du saint.
Bonne année fusil : apprends-moi à chanter les ans nouveaux.
Après la fin de la très meurtrière guerre civile d’Espagne, des dizaines de milliers de républicains fuyant la terreur franquiste chercheront, au début des années 40, refuge en France. Le gouvernement français d’alors, à dominante social-démocrate, ne trouva pas mieux que de les placer dans des véritables camps de concentration. Emu par leur sort, un jeune Consul chilien organise leur départ en bateau pour le Chili avec l’aide du Ministre de la santé de l’époque permettant, de cette manière, à des centaines d’espagnols de connaître des conditions de vie plus dignes. Le Consul s’appelait Pablo Neruda et le Ministre Salvador Allende. Ainsi naquit une vieille amitié qui ne prit fin qu’à l’arrivée de Pinochet.
A l’occasion du centième anniversaire de la naissance du poète communiste, ce poème écrit pendant ses moments de clandestinité lors de la dictature de Gonzales Videla, nous sert aussi d’hommage à son exemple et à sa mémoire.
A MON PARTI
Tu m’as appris la fraternité envers celui que je ne connais pas et m’as donné la force de tous ceux qui vivent.
Tu m’as redonné la patrie comme lors d’une naissance et m’as donné la liberté que le solitaire ignore.
Tu m’as appris à allumer la bonté comme on allume le feu et, avec toi, j’ai compris l’unité et la différence des hommes.
Tu m’as montré comment la douleur d’un seul meurt dans la victoire de tous et j’ai appris avec toi à dormir dans les humbles lits de mes frères.
Tu m’as fait entrevoir la clarté du monde et la possibilité de l’allégresse.
..et m’as rendu indestructible parce que, avec toi, je ne finis pas en moi-même.