Juan Gonzalo Rose : Nouvel An

De son exil mexicain, où il cotoyait d’autres éxilés dont Ernesto Guevara, Fidel Castro, et l’uruguayen Raul Sendic (fondateur du mouvement Tupamaros), le poète péruvien Juan Gonzalo ROSE, écrivait ce poème une nuit de réveillon des années 50

NOUVEL AN

Nouvel an dans le sang des assassinés.

Nouvel an dans les salles de tortures et
dans l’œil du prisonnier où un temps
sans soleil fait son nid.

Nouvel an dans la table du tyran et dans
le portemanteau vide de l’exilé.
Nouvel an chez la mère et son fils
séparés seulement pour quelques verrous.

Ils n’ont pas de nouvel an des peuples comme le mien.

Le paysage est peut-être nouveau,
mais c’est toujours la même absence.

Le mouchoir peut-être nouveau,
mais c’est toujours la même larme.

Le linceul renouvelé,
mais c’est toujours la même mort.

Bonne année, douleur ;
rage du peuple,
haine du juste,
colère du saint.

Bonne année fusil : apprends-moi à
chanter les ans nouveaux.

Méxique, DF, 1953
traduction libre de V. Caller

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Neruda, Allende et un bateau chargé d’espagnols

Il y a un siècle naissait le poète

Après la fin de la très meurtrière guerre civile d’Espagne, des dizaines de milliers de républicains fuyant la terreur franquiste chercheront, au début des années 40, refuge en France. Le gouvernement français d’alors, à dominante social-démocrate, ne trouva pas mieux que de les placer dans des véritables camps de concentration. Emu par leur sort, un jeune Consul chilien organise leur départ en bateau pour le Chili avec l’aide du Ministre de la santé de l’époque permettant, de cette manière, à des centaines d’espagnols de connaître des conditions de vie plus dignes. Le Consul s’appelait Pablo Neruda et le Ministre Salvador Allende. Ainsi naquit une vieille amitié qui ne prit fin qu’à l’arrivée de Pinochet.

A l’occasion du centième anniversaire de la naissance du poète communiste, ce poème écrit pendant ses moments de clandestinité lors de la dictature de Gonzales Videla, nous sert aussi d’hommage à son exemple et à sa mémoire.

A MON PARTI

Tu m’as appris la fraternité
envers celui que je ne connais pas
et m’as donné la force de tous
ceux qui vivent.

Tu m’as redonné la patrie
comme lors d’une naissance
et m’as donné la liberté
que le solitaire ignore.

Tu m’as appris à allumer la bonté
comme on allume le feu
et, avec toi,
j’ai compris l’unité et la différence des hommes.

Tu m’as montré comment la douleur
d’un seul meurt dans la victoire de tous
et j’ai appris avec toi à dormir dans les humbles
lits de mes frères.

Tu m’as fait entrevoir la clarté du monde
et la possibilité de l’allégresse.

..et m’as rendu indestructible parce que,
avec toi,
je ne finis pas en moi-même.


Pablo Neruda
(traduction libre de V.Caller)

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