Asturies 1934

De l’Espagne du sabre et du goupillon, à la première république

Au 19e siècle l’Espagne va progressivement s’industrialiser. Depuis 1830 l’exploitation du charbon dans la province espagnole des Asturies a permis le développement de l’industrie, principalement dans les secteurs de la sidérurgie et de la construction navale. En 1866, le pays est secoué par une révolution antimonarchiste qui entraîne le départ de la reine Isabelle II. Pour la première fois, une Assemblée constituante se fait élire au suffrage universel masculin. En 1873, l’abdication du roi Amédée Ier abouti à la proclamation de la première république d’Espagne. Cette première expérience républicaine sera de courte durée, dès janvier 1874, le général Pavia fomente un coup d'État avec les partisans de la monarchie des Bourbons.

De la restauration des Bourbons à la deuxième république.

En janvier 1875, le pouvoir de la monarchie des Bourbons est restauré, et le roi Alphonse VII monte sur le trône. Les années qui suivent sont marquées par une instabilité politique grandissante causée par l’essor d’un important mouvement ouvrier de tendance anarcho-syndicaliste et par l’affaiblissement de l’Espagne dû à la perte de ses colonies et aux guerres qui y sont liées. Trente-trois gouvernements se succèdent de 1902 à 1923. A partir de 1917, l’influence de la Révolution d’Octobre va renforcer les luttes sociales, particulièrement en Andalousie et en Catalogne où le patronat n’hésite pas à recourir à des tueurs à gage (Pistoleros) pour liquider les meneurs et terroriser les militants. La police abat de sang-froid des ouvriers après leur arrestation, et les syndicats d’obédience anarchiste répondent par des attentats. Dans ce contexte, la frilosité du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol(PSOE) et de son syndicat, par rapport à l'Internationale Communiste, va contribuer à la fondation du Parti Communiste Ouvrier Espagnol (PCOE) très influent dans les provinces de Biskaye et des Asturies, qui deviennent des hauts lieux du mouvement ouvrier et du syndicalisme espagnol. Face à cette situation, le roi Alphonse VIII s’oriente de plus en plus vers un pouvoir personnel ignorant le parlement qu’il finit par dissoudre en 1923. Par décret, il confie le pouvoir à l’armée en la personne du général Primo de Rivera qui instaure un pouvoir fasciste inspiré du coup d’état de Mussolini en 1922.

La deuxième république

Ce pouvoir de l’armée durera jusqu’au départ du roi et aboutit à la proclamation de la deuxième république le 14 avril 1931. A cette époque, l'Espagne est un pays où les masses populaires sont très pauvres et présentent un fort taux d'analphabétisme. Deux millions de petits paysans sont sans terre, alors que 20 000 propriétaires possèdent la moitié de l'Espagne. Le pays est dominé par un clergé omnipotent qui s’appuie sur une armée exerçant le pouvoir de police. Cette armée compte 800 généraux (1 pour 100 soldats) pour lesquels le pronunciamento (coup d’état) est un véritable sport national. Parmi eux, les généraux Mola, Franco et Sanjurio considèrent que la terreur doit être utilisée à des fins politiques. Tous trois participeront au putsch de 1936 qui renverse la république en provoquant la guerre civile.

Le 28 juin 1931, la gauche remporte les élections avant d’entreprendre plusieurs réformes importantes. Elles concernent l’adoption d’une nouvelle constitution, une réforme agraire, les relations entre l'Église et l'État, une réorganisation de l’armée, le droit de vote aux femmes et l’adhésion à la Société des Nations.

Le 10 aout 1932, la république résiste à une tentative de coup d’état menée par le général Sanjurio.

En janvier 1933, la garde civile intervient pour mettre fin aux troubles en Andalousie. Dans le village de Casas Viegas, elle incendie une maison où s'est retranchée une famille de syndicalistes de la Confédération nationale du travail, 22 personnes périssent dont deux femmes et un enfant.

Ce lourd bilan provoque une crise politique sans précédent qui entraîne la chute du gouvernement républicain-socialiste présidé par le premier ministre Manuel Azaña .

Le 19 novembre, la droite rassemblée dans la Confédération Espagnole des Droites Autonomes (CEDA) remporte les élections. Cette confédération d’obédience cléricale et conservatrice est soutenue par les grands propriétaires terriens, les milieux d’affaires, les industriels, les officiers supérieurs et le clergé. La confédération a son mouvement de jeunesse Juventudes de Acción Popular (La jeunesse de l’action populaire) dont les membres populairement appelés « Chemises vertes »font le coup de poing contre les militants ouvriers.

L'insurrection asturienne et sa répression

Il y a 90 ans, en octobre 1934, les travailleurs asturiens déclenchent une grève générale dirigée contre le gouvernement de droite de la CEDA. Très vite, la grève va devenir un soulèvement révolutionnaire appelé : La Commune asturienne.

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Mineurs en grève arrêtés par les forces de police de la Garde d'assaut et de la Garde civile pendant l'insurrection asturienne.

Le 5 octobre 1934, une République des ouvriers et des paysans est proclamée dans la ville d'Oviendopar un comité révolutionnaire, présidé successivement par Ramn Ramón González Peña, Teodomiro Menéndez et Belarmino Tomás, le président du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol. Trois jours plus tard, toutes les Asturies sont gouvernées par les mineurs. Une Armée rouge, composée de 30 000 travailleurs, est mise sur pied pour assurer la défense des insurgés. La République des ouvriers et des paysans donne la terre aux paysans, confisque les usines, et traduit ses ennemis devant des tribunaux révolutionnaires.

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Une colonne de la Garde civile conduit des mineurs captifs, Brañosera, le 8 octobre 1934.

L’état espagnol confie la répression au général Franco qui l’organise comme une guerre coloniale, Il envoie une armée de 40 000 soldats renforcée par la Légion Étrangère et les troupes arabes du Maroc, réputées pour leur férocité. Au bout d’une quinzaine de jours, l'armée asturienne doit se rendre, faute de munitions. La répression est terrible, on dénombre 3 000 morts, 7 000 blessés, et 30 000 emprisonnés dont beaucoup furent aussi torturés. Plusieurs milliers de grévistes seront interdits d’emploi.

NB : Ces événements feront l’objet d’une conférence du Cercle Julien Lahaut, le samedi 30 novembre à 14h00.

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