Enseignement : Entre expertise et réalité
En Belgique, il suffit apparemment d’être économiste ou financier pour devenir automatiquement spécialiste en pédagogie. À court de finances, et n’osant pas taxer les personnes très riches et les entreprises de la même façon que les citoyens qui créent leur richesse, c’est-à-dire les travailleurs, la Fédération Bruxelles-Wallonie se trouve en difficultés financières. Pour cette raison, elle a mis sur pied un comité dit « d’experts » chargé de proposer des mesures d’économie. Ce comité a donc émis des propositions dans les domaines de la petite enfance, la culture, l’aide à la jeunesse, l’audiovisuel, les sports et l’enseignement. [1]
Parmi les propositions en rapport avec l’enseignement, on trouve notamment l’idée d’augmenter la charge horaire des enseignants. Cette charge horaire serait à augmenter de deux heures par semaine et même de quatre heures par semaine pour les professeurs d’éducation physique, plastique ou musicale. Le comité qualifie les professeurs en charge de ces disciplines comme des « enseignants dits à charge autonome faible ». Selon le commentaire d’un spécialiste en finances, ces professeurs « n’ont pas de cours à préparer ou de devoirs à corriger »[2]
Un tel argument ne manque pas de susciter « la fureur des syndicats » qui précisent qu’on ne parle que de la partie visible de la charge des enseignants, « c’est-à-dire celle qui est prestée face aux élèves ». Roland Lahaye (CSC Enseignement) rappelle qu’il y a un travail de préparation des cours en amont et un travail de suivi en aval à prester. Adrien Rosman (SETCa-SEL) précise : « On demande depuis des années d’objectiver le temps de travail par une étude indépendante. Ce qui n’a jamais été fait, parce que nous avons la conviction que, comme en Flandre, une telle étude montrerait que les enseignants dépassent le seuil légal du temps de travail hebdomadaire. Nos collègues flamands travaillent 46 heures par semaine. »
Quant aux trois disciplines visées par la proposition d’une augmentation supplémentaire de la charge horaire, on semble tout ignorer de ces matières qui, tout comme les autres cours, exigent des préparations. Elles comprennent des parties théoriques pouvant porter, selon le cas, sur l’histoire de la musique ou des arts plastiques, sur les connaissances à acquérir dans le domaines de la santé, l’analyse critique des médias visuels, la déontologie du sport etc. Leur travail de correction ne se limite pas à souligner des fautes mais peut consister en la rédaction de commentaires nuancés et objectivables. De plus, tout comme les professeurs de sciences ou de cours techniques ou professionnels comportant de la pratique en atelier, les enseignants de ces disciplines ont fréquemment du matériel à gérer et à préparer.
Finalement, ce sont essentiellement eux à qui les directions d'école demandent souvent des prestations supplémentaires en rapport avec les fêtes de fin d’année, des bals scolaires, des décors de théâtre, des fancy-fairs, la confection d’affiches ou des mises en page de documents, tout cela étant bien nécessaire pour pallier l’insuffisance de financement public.
De plus, ces enseignants ne doivent pas moins, sinon plus, se tenir au courant de l’évolution et de l’actualité en rapport avec leur discipline. L’histoire de l’Art ne s’arrête pas à Van Gogh, la musique ne se limite pas à quelques chansonnettes, l’éducation physique ne peut ignorer le problème de la violence dans les stades et au-delà.
On dirait que le comité cherche, selon un proverbe qui date de l’Antiquité, à diviser pour permettre de gouverner. Il se base pour cela sur des préjugés très répandus qu’il ne fait que renforcer mais dont l’utilisation ne prouve que son ignorance... à moins qu’il s’agisse de mauvaise foi.
[1] L'Avenir, 25 septembre 2025, p. 2-3.
[2] La Meuse, 26 septembre 2025, p. 18.