Le tourisme à Cuba et l'appétit d'Airbnb : espoir et craintes...

Café aux lèvres, se balançant légèrement sur la chaise à bascule installée devant le pas de sa porte, Frank, musicien quinquagénaire de la Havane, en est convaincu : c'est le contexte d'une sécurité indiscutable dans son pays qui permet aujourd'hui aux touristes de préférer la « Casa Particular » aux complexes hôteliers, pourtant si imposants, partout ailleurs dans le monde...Un contexte qui ne laisse pas indifférent la société Airbnb, fondée en 2008 et aujourd'hui leader sur le marché mondial de la réservation de logements de particuliers. Voilà plus de deux ans que la plate-forme états-unienne est implantée à Cuba. Depuis le développement d'internet sur l'île, les conditions techniques sont, en effet, réunies pour que le géant américain aspire à pénétrer le marché touristique local.

Cuba, « Mi casa es tu casa »

"Lonely Planet", le Guide du routard, Trip advisor... Autant d'éditions qui ne sauraient prétendre vous initier à Cuba sans mentionner la « Casa Particular » ! Et pour cause, cette maison d'hôte à la cubaine est aujourd'hui le type de logement le plus prisé par les visiteurs. Véritable pilier du développement touristique de l'île, la « Casa Particular » est à l'image d'un peuple accueillant, amical et expressif. L'immersion y débute généralement par de chaleureuses poignées de main - voire accolades – et c'est avec une simplicité étonnante que se tissent les premiers liens. En 1997, le gouvernement cubain met en place un système qui permet aux habitants de consacrer une partie de leur logement à l'accueil de touristes. Avec la solide intention de respecter une juste redistribution des richesses, l’État prend le soin de créer un cadre juridique qui permette aux propriétaires d'exercer une activité légale en déclarant leurs revenus à l'ONAT (l'organisme national collecteur des impôts).

Plus de vingt ans après son officialisation légale, le succès de la « Casa Particular » est palpable. Si les touristes y apprécient, entre autres, une occasion d'immersion et de proximité culturelle, le système procure à de nombreux Cubains une source de revenus et un contact direct avec les visiteurs étrangers. Un contexte qui intéresse Airbnb...

Airbnb à Cuba : un phénomène à double tranchant ?

Avec une économie nationale lourdement affectée par la succession d'embargos décrétés à son encontre, Cuba a toutes les raisons d'étudier en profondeur l'ambition d'Airbnb sur son territoire. De fait, la conjoncture économique présage des perspectives aussi encourageantes qu'inquiétantes. En 2017, l'agence de presse cubaine « Prensa Latina » confirme que depuis l'implantation d'Airbnb sur l'île en avril 2015, plus de 550 000 touristes ont utilisé la plate-forme pour organiser leur séjour à Cuba : un argument de taille pour une économie basée sur le tourisme. Par ailleurs, on notera que la plate-forme aurait particulièrement séduit... les Américains : au premier semestre 2016, ils sont 137 000 touristes à s'être rendus à Cuba, soit une hausse de près de 80% par rapport à la même période de 2015. L'arrivée d'Airbnb, s'est assurément faite dans un contexte d'apaisement des tensions entre Cuba et les Etats-Unis.

Revers de la médaille

Sans connaître les termes exacts de l'accord passé entre le gouvernement cubain et la plate-forme américaine, on imagine que cette dernière tient tout de même à défendre son modèle économique. Alors que les recettes liées à la « Casa Particular » étaient, jusqu'à présent, uniquement partagées entre les Cubains et l'Etat, la formule Airbnb engendre de facto un manque à gagner pour la partie cubaine qui voit lui échapper une partie des revenus au bénéfice de l'entreprise elle-même par le biais du système des commissions. Par ailleurs, à l'heure où la fraude fiscale du groupe est dénoncée dans tous les pays où il est implanté, on peut légitimement s'interroger sur l'évolution de l'indépendance cubaine concernant son secteur touristique. En outre, quelles pourraient être les répercussions politiques liées à un secteur si sensible que celui du tourisme de masse alors qu’en plus d’Airbnb, des entreprises hôtelières américaines (Starwood, Mariott…) pénètrent aussi sur l’île.

Airbnb, « there is (no) alternative » ?

La question se pose alors à tous les futurs visiteurs de l'île : quelles sont les alternatives au géant américain ? Si des options d'hébergement sont mises en avant dans tous les guides touristiques dignes de ce nom (certains ayant été mentionnés en début d'article), plusieurs plateformes en ligne se chargent également de recenser les coordonnées de nombreuses « Casa Particular » sans pour autant, comme Airbnb, vous obliger à payer/réserver à l'avance. A travers des sites comme mycasaparticular.com (suisse) ou casaparticular.com (anglais), il est possible de prendre contact directement avec des Cubains et de payer la réservation une fois sur place. Enfin, gardez en tête qu'en théorie, une première réservation dans la ville d'arrivée pourrait suffire : vos premiers hôtes auront très probablement les contacts nécessaires pour trouver où vous loger lors de votre prochaine escale. En effet, loin d'être un mythe, l'esprit d'entraide à Cuba correspond à la réalité d'une société solidaire et accueillante !

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