Pour qui roule le «Festival des Libertés»?
Nous étions déjà pas mal surpris lorsque l'édition 2012 du Festival des Libertés (Bruxelles) n'avait pas trouvé mieux que d'inviter Jamie Shea le secrétaire général adjoint de l'OTAN pour parler de la Syrie, plus exactement de la nécessité ou non d'intervenir dans ce pays. Rappelons à ceux qui l'ont oublié que ce monsieur fut, en tant que porte-parole de l'OTAN, l'artisan de la grande manipulation médiatique qui servit pour justifier le bombardement de la Serbie lors des guerres yougoslaves. L'indignation que cette programmation avait suscité (il n'avait pas été prévu un contradicteur pour ce propagandiste), obligeait alors les organisateurs à modifier la composition du panel.
Munis d'une forte dose de bonne foi nous avons voulu croire que ce n'était qu'un dérapage, une sérieuse inattention. C'est ainsi que, quelques semaines avant l'édition 2014 de ce festival, nous avons suggéré aux organisateurs d'organiser un débat sur la crise ukrainienne dans l'idée qu'un festival affichant le mot «libertés» ne pouvait pas être indifférent à la situation d'un pays dont des forces politiques ouvertement fascistes jouent un rôle politique très important au sein même du gouvernement. La réponse négative reçue nous a alors conduit à regarder de plus près la composition du dernier programme et notre conclusion est que ce Festival qui se présente volontiers avec des allures progressistes lorsqu'il traite des sujets de société relativement inoffensifs, joue en réalité un rôle de désinformation et de propagande en faveur du système dominant, en particulier pour ce qui est de la politique internationale.
Ainsi, nous découvrons que non seulement ils refusent d'organiser un débat sur l'Ukraine mais que pour parler de ce pays ils n'ont pas de sujet plus grave que de parler des .. 'Femen', ce groupe de dames exhibitionnistes qui font les délices des médias du système. Ils s'intéressent aussi à Cuba mais pour dire, sous prétexte de présenter un groupe musical d'opposition, que c'est un pays «où la censure sévit». La Biélorussie fait aussi partie de leurs cibles et voilà que le seul morceau de terre européenne qui résiste encore, très durement, et à la mondialisation occidentale et aux appétits des oligarques russes est traité comme la «dernière dictature d'Europe»; c'est à dire exactement la même appellation prononcée jadis par Mme Clinton et répété moult fois par Barroso et Sarkozy. En effet, pour ces gens (et pour les organisateurs du Festival), refuser d'adhérer à l'OTAN et de se soumettre aux diktats de la troïka suffit pour mériter un tel anathème.
Le volet des guerres est présent avec trois films sur la Syrie; tous les trois à la gloire des soit -disant rebelles syriens et de l'Armée Syrienne Libre, force militaire financée et armée par les monarchies du Golfe, Israël et les services secrets occidentaux. D'ailleurs, un de ces films a été financé directement par l'Union européenne et un autre, soutenu par la chaîne qatari Al Jaazira. Parmi les réalisateurs Sofia Amara et le polonais Wojciech Szumowski, très connus tous les deux pour leurs liens avec les puissances interventionnistes.
Plus besoin donc d'inviter Jamie Shea; tout indique que sa présence ne soit pas indispensable pour que son esprit flotte, univoque, dans l'atmosphère d'un festival quelque peu mal nommé.